12 mars 2004 - Le chant nomade
NATASHA : « Un autre chant ».
Bien des scènes semblent étroites lorsqu’elle paraît. Pas seulement à cause de sa grande silhouette brune, soutenant un sourire généreux, de sa chevelure et de son regard sombres, mais pour la manière urgente dont, dès les premières notes, elle efface la notion même de distance entre elle et nous, pour nous entraîner dans son univers.
La densité de sa voix, l’intensité de son chant se répandent, telle la lave incandescente d’un volcan, trop longtemps contenue.
Amplitude sans limite, notes tendues à se briser, ivresse des résonances graves, charnelles et ferventes à la fois, de la plainte enfantine, à la joie libérée et sensuelle, autant d’étapes à l’image de ses textes et de ses musiques.
On devine aussi chez elle, une part de souffrance muette.
Avec elle, un son n’est pas forcément « beau », mais peut être cri, râle, plainte, gémissement, une manière de parvenir à la musicalité et d’exister vocalement tout simplement.
Les musiciens qui l’entourent ont l’intelligence de l’accompagner sans tenter d’endiguer sa respiration. Ils sont comme des torches qui balisent ce voyage musical en éclairant sa quête.
Elle confie en parlant d’eux :
« Ils savent orchestrer mes incertitudes,
traquer mes limites… Ils posent juste les questions qu’il faut et n’essaient pas de tout remettre à plat, ni de canaliser cette force dont j’ai besoin pour chanter et je sais que mon énergie les porte aussi… ».
Aujourd’hui son horizon musical embrasse des partitions classiques et contemporaines: des mélodies d’Europe de l’est, aux mélopées méditerranéennes
… « Naviguer naturellement, choisir parmi tout ce que nous offre la musique vivante, sans hiérarchie, évite de s’enfermer, ça aide à rester libre… ».
Elle interroge les partitions avec un drôle de regard, elle qui ne se sert que de ses oreilles.
Quand elle cherche un son, elle est très physique, elle rugit, elle râle, maugrée, chantonne, grogne ou murmure…
Elle réinvente son propre langage vocal, comme on cherche à exister.
Elle crée, dans et avec le réel, et s’étonne parfois de parvenir à aller aussi loin !
Ses musiciens disent d’elle :
«…Sur une même phrase musicale, voire sur une même note, elle peut nous donner 5 ou 6 indications différentes et simultanées...…Donc on ne sait jamais d’avance ce qu’elle va choisir…
Alors il faut rester attentif en permanence, la laisser venir, la suivre et se laisser porter par sa liberté d’interprétation… ça c’est sûr on
ne s’ennuie pas… et c’est ce qui rend le travail avec elle, passionnant !… »
«…Tout au long de ces années, elle a tellement accumulé de matériel inemployé, et comme elle ne procède
jamais par soustraction mais par addition, imaginez la richesse du récital !… »
Son concert lui ressemble :
inattendu et envoûtant.
On l’écoute comme on reçoit un cadeau. On sait qu’il va se passer quelque chose: on espère, on attend….inattendu et envoûtant.
Et quand on quitte cette femme, on se sent comme après l’un de ces concerts magnifiques: empli de ce quelque chose d’indéfinissable et revigoré !…
Une femme à l’intelligence
combattive et chaleureuse.
Un cadeau rare !…
(Pierre Hanslen)
combattive et chaleureuse.
Un cadeau rare !…
(Pierre Hanslen)