Natasha BEZRICHE chante dans la « LUMIERE NOIRE »,des chansons de Léo FERRE.
Marina VOËLS / « le chant des artisans » / Webzine
Il est des moments magiques au temps arrêté, qu'on voudrait pouvoir revivre encore et encore. Des moments suspendus entre bonheur et excitation, plénitude et sérénité.
Ce jeudi soir de janvier, aux Rancy, à Lyon, Natasha a offert à son public un de ces moments hors du temps où, elle a réussi à atteindre, avec son chant, tous les coeurs réunis par l'amour de la belle chanson.
Le temps d'une intro ou Sébastien Jaudon magnifie le piano et puis l'entrée de la Grande Dame Brune pour son récital « Lumière noire », consacré à Léo Ferré. J'ai adoré la complicité de ces artistes, sur scène. .
Elle sait rendre chantants, les mots. Il sait rendre parlantes, les notes !
Sébastien Jaudon n'est pas que pianiste, accompagnateur, et directeur d'orchestre. IL donne sa pleine mesure dans ses orchestrations, marquées par le romantisme, les rythmes soutenus, les harmonies et les lignes mélodiques subtiles.
Il est aussi un véritable partenaire, présent, attentif et tellement vivant derrière son clavier. Ils se comprennent d'un regard, s'accordent dans un sourire, se soutiennent d'un geste et la joie de constater que règne cette harmonie, s'ajoute au plaisir d'écouter Natasha donner son chant et me met à l'unisson de ces quatre artistes rassemblés là, sur cette scène, pour nous... Les sourires sont présents, l'ambiance simple et chaleureuse, les dialogues brefs, et les chansons s'enchaînent à la perfection. Et puis, vers le milieu du récital le chant nous enveloppe, s'empare de nous à travers cette « Affiche rouge » interprétée comme jamais.
Elle cherche d'abord le soutien du regard de son ami violoncelliste et commence à chanter un texte d'une beauté et d'une intensité saisissante ! Fort et poignant comme j'ai rarement entendu cette chanson, si ce n'est, par sa voix. Les mots me frappent en plein coeur et des phrases s'y gravent. C'est sous un tonnerre d'applaudissements qu'elle termine cette chanson, et nous demande ensuite avec simplicité : “Est ce que ça va toujours ? »...Ouh ! Je frémis encore en y repensant.
Une grande respiration, un chant comme une évidence et bonheur visible d'être sur scène et avec nous, et le récital se poursuit... C'est, pour chacun dans la salle, la joie d'être ensemble pour ce moment de réel partage.
Puis, à la toute fin du spectacle, c'est l'ovation, debout, des spectateurs. L'hommage, pendant de longues minutes, du public conquis à une artiste d'exception.
Tous les quatre reviennent, saluent, repartent…et à nouveau ces regards échangés, complices, leurs sourires.
On revient ?... Oui !
Sébastien Jaudon repart vers le piano, … et c'est comme un cadeau de fin de soirée, une autre chanson d'Aragon et Ferré : Un bijou de tendresse, un chant tout en finesse et d'émotion contenu et un accompagnement au piano d'une intense subtilité.
Ces deux là respirent ensemble !
C'est un don du ciel d'être capable de chanter ainsi, sans rien d'apprêté, avec tellement de simplicité, avec ce timbre unique aux couleurs si changeantes. Dire les mots et chanter les notes, les sensations, les sentiments que tout un chacun peut ressentir, sans pour autant, pouvoir les exprimer aussi efficacement. Et dès qu'on entend le texte dans sa voix, on se dit « Mais, oui! Bien sûr que moi aussi, je ressens ça, j'espère ça...tout comme elle me le dit là !” C'est ça, sa force : nous pousser à exprimer ce qui sommeille au fond de nous, à ressentir de nouvelles choses, à entendre le texte autrement, nous aider à mettre sa voix sur les maux de notre vie, prendre notre main et nous accompagner sur son chemin de poésie et qui devient, alors, aussi un peu le nôtre.
Des bribes de ses phrases tournent encore dans ma mémoire. En fermant les yeux, j'entends sa voix résonner à mes sens, par le biais de ce vers d'Aragon : « mais une main nue alors est venue, qui a pris la mienne »...
C'est fini ! Il n'y aura pas d'autre chanson après celle-là. Et c'est déjà si beau, si bien.
C'est bien, aussi, que ce cadeau si précieux de ces deux artistes complices, en rappel, ait été fait à l'occasion d'un spectacle organisé par quelques irréductibles de la chanson et en dehors des programmations officielles ! Amis chansons, efficaces et impliqués dans la promotion de cet art dit « mineur », alors ça n'est que justice !
Et puis se dire que c'était le spectacle d'une immense artiste, mais que parfois, il peut être donné d'assister à des moments aussi intenses, ici ou là,... là où se produisent des artistes du spectacle vivant. Oui, c'est bien là où il y a du partage et de l'émotion. Et c'est là qu'on la re croisera sûrement.